Incliné pour gagner

 


Par Greg Gurshman
Photos de Stan Petrash et Lev Aksanov
Traduction Gérard Gautier/Pierre Bornat/Paul Trouilhet

 

 

Couper proprement un virage de géant est le but ultime des coureurs et entraîneurs depuis plus de 20 ans. Il est bien connu que pour couper, un coureur a besoin de basculer ses skis sur les carres en exécutant une succession d’éléments techniques généralement décrits comme « manœuvre de carres ». Les coureurs d’autrefois qui pratiquaient avec des skis plus droits et plus longs, utilisaient en prédominance la rentrée de genou et l’angulation de hanche pour produire la prise de carre dans le virage. La technique moderne réalisée sur des skis plus courts et avec une ligne de côtes plus creusée impose un mécanisme différent – l’inclinaison.
Mais qu’est-ce que l’inclinaison ? En termes simples, c’est un déplacement ou une déviation de l’ensemble du corps du skieur depuis son axe vertical vers la direction du centre du futur virage comme démontré ici par l’auteur :

 

 

 

 

La ligne jaune donne l’alignement du corps nécessaire pour une inclinaison effective dans la phase initiale du virage :

- la partie extérieure du corps est droite,

- la jambe extérieure est étendue, les épaules et les hanches ont à la même inclinaison et sont
perpendiculaires aux skis (notez leurs lignes parallèles sur la photo 1).

Comme vu sur la photo 1, le corps du skieur est en alignement anatomique parfait avec une mise en tension minimale des articulations. L’inclinaison correctement réalisée est différente de la « bascule », souvent définie comme l’application d’un excès de poids sur le ski intérieur au début du virage, et considérée par les entraîneurs comme étant une grosse erreur technique. Pendant l’inclinaison, le skieur (sur la photo 2) bouge ses hanches et ses épaules ensembles.

 

 

Photo 2

 

 

Quelquefois les épaules démarrent avant les hanches et prennent de l’avance sur les hanches, les coureurs finissent en bascule et dérapent dans le virage. Cependant, en ayant les épaules en retard sur les hanches ou en essayant délibérément de continuer de maintenir le niveau des épaules parallèle avec la piste dans la première partie du virage, il en résulte une angulation excessive souvent référée à une position verrouillée.

Dans la technique moderne du géant, l’angle de prise de carre est créé principalement par l’extension de la jambe extérieure avec une rentrée de genou minimale ou absente comme montré sur la photo 3,
représentant le Finlandais Kalle Pallender et le Suédois Fredrik Nyberg. Les deux photos ont été prises à la Coupe du Monde de Beaver Creek, Colorado en décembre 2005.

 

 

photo 3

 

L’inclinaison réalisée dans le timing juste et avec précision est un art qui demande des années pour être maîtrisé. Pour comprendre comment l’inclinaison est devenue un des fondamentaux de la
technique moderne, nous devons observer le principe de base pour couper les virages dans les portes. Un coureur qui peux couper ses virages proprement alors qu’il exploite les lignes les plus
directes dans le tracé devrait avoir la plus grande vitesse d’ensemble. La physique de ce processus est elle aussi très simple - un coureur en virages coupés sur la ligne la plus tendue génère avec son
centre de masse la ligne la plus rectiligne depuis le départ jusqu’à l’arrivée, c’est le chemin le plus court. C' est clairement démontré par un des meilleurs coureur de l’ère moderne,
Hermann Maïer, photographié ici lors d'une course de la coupe du monde en slalom géant à Beaver Creek, Colorado en 2005 (photo 4).

 

 

photo 4

En général, les coureurs et les entraîneurs s’accordent à dire qu’un angle important de prise de carre procure un meilleur accrochage de la carre. Cependant trop d’angle de prise de carre dans l’étape
initiale du virage pourrait aboutir à un « verrouillage de carre » précoce qui est lent. Correctement faite, l'inclinaison permet à Maier (photo 4) de réaliser progressivement une forte prise de carre dans la première moitié du virage sans bloquer ses carres prématurément, ce qui le ralentirait. Maïer réalise le mécanisme le plus efficace en utilisant les éléments techniques basiques ci-dessous qui sont déjà présents dans la panoplie des coureurs de junior 3 jusqu’a l’équipe nationale.

Extension
Une extension de la jambe extérieure est essentielle pour un placement et une inclinaison correcte comme nous le démontre Maïer sur la photo 4.
L’extension de la nouvelle jambe aval, qui a été fléchie à la fin du virage précédent, est la clé pour une inclinaison efficace. Pendant que les jambes sont étendues, ni l’articulation de la hanche, ni celle du
genou ne sont « verrouillées », comme cela est démontré sur les photos 1 à 3 par les coureurs.

Projection
La projection est le mouvement du centre de masse dans la direction du futur virage. Ce mouvement est clairement démontré par Maïer (photo 4) dans la transition entre la porte rouge et la porte bleue. Le haut du corps et les hanches sont projetés vers l’avant au-dessus des skis pendant que ceux-ci sont mobilisés sous le corps. Cela peut être décrit aussi comme un mouvement de croisement puisque le centre de gravité du coureur croise les skis par dessus et que les skis croisent le corps par dessous. Correctement effectuées en technique moderne, l’extension et la projection sont inséparables. Elles permettent de projeter le centre de gravité du skieur vers l’avant et vers l’intérieur durant la phase de début du virage. La combinaison de l’extension et de la projection permet à Maïer d’entrer dans le nouveau virage avec une position correctement inclinée avec la même inclinaison de ses hanches et de ses épaules, et avec la jambe extérieure étendue (voir les 3 figures au-dessus de la dernière porte bleue). Correctement effectuée l'extension projection assure un recentrage efficace.

Recentrage entre les deux courbes
Se rééquilibrer ou se recentrer est nécessaire pour fournir la pression sur l’avant du nouveau ski extérieur pendant l’étape initiale d’inclinaison. Le recentrage est nécessaire quel que soit le type de mouvement utilisé dans la transition. Sur la photo 3, Maïer utilise un allègement par flexion en rétractant les jambes dans la transition entre la première porte bleue et la rouge, alors qu' entre la porte rouge et la nouvelle bleue il utilise un mouvement légèrement ascendant. Mais dans les deux virages il commence son inclinaison avec une pression suffisante sur la spatule du ski extérieur (voir les trois figures au-dessus de la porte rouge et les trois au-dessus de la bleue).
Peut-être que la démonstration réalisée par l'auteur nous offre une meilleure perspective du recentrage puisque les vues sont prises de profil (photo 5).

 

 


Photo 5
Dans cette seconde image, l'auteur est équilibré au-dessus des talons des skis tandis que les carres sont relâchées depuis la sortie du précédant virage. A ce moment les spatules des deux skis sont en l'air, mais en moins d’une fraction de seconde le skieur est recentré (phase trois). La jambe extérieure est étendue et la spatule du ski extérieur est engagée. La pression sur la spatule des skis est évidente dans la dernière image montrant clairement la déformation des skis.


Angulation dynamique
L’angulation ou « cassure de hanche » dans la phase finale du virage est démontrée par Pallander et Nyberg (photo 3). Souvent considérée comme un mouvement de prise de carre, l’angulation, en réalité, complète seulement l’inclinaison. Elle sert à maintenir l’accrochage de la carre pendant que les forces s’accroissent dans la deuxième partie d’un virage. L’angulation ne peut pas être exécutée correctement si l’angle initial de prise de carre n’est pas crée par une inclinaison appropriée. Pour une sortie de virage puissante il importe que la jambe extérieure reste étendue jusqu’à ce que la courbe soit achevée. Cette tendance de la technique moderne à utiliser une angulation réduite et une inclination plus prononcée est clairement démontrée par Maïer (photo 4, images à la dernière porte bleue). Il est utile de mentionner que l'angulation, dans la technique moderne, est créée par le léger redressement du buste amenant les épaules du coureur en position horizontale. Le plus souvent, le mouvement d’angulation brut de l’articulation de hanche n'est plus nécessaire. L’amplitude de l'angulation est déterminée par la vitesse et le rayon de la courbe.

Les tendances de la technique moderne mentionnées ci-dessus doivent se refléter dans l'enseignement aux jeunes athlètes. Beaucoup de cadets skient toujours en position statique,"verrouillée", utilisant une angulation de hanche excessive. Le plus souvent la position "verrouillée" est involontairement créée par des entraîneurs qui essayent de corriger « la bascule » en demandant aux coureurs de travailler sur le maintien horizontal des épaules. Cette approche est incorrecte parce que, tandis qu'elle peut corriger "la bascule", elle développe un modèle de mouvement incorrect pour un ski dynamique et rapide. En fait un peu de bascule est souvent présent dans le ski de l'athlète aux étapes initiales d'apprentissage de l'inclinaison. D'habitude "la bascule " est le résultat d’un manque d'équilibre qui empêche la projection du centre de masse et le recentrage. Le meilleur remède pour cela consiste à revenir au travail fondamental de l'équilibre et à celui des habiletés mentionnées ci-dessus jusqu’à ce que soient trouvées les sensations nécessaires pour utiliser efficacement l'élément clef de la technique moderne : l'inclinaison.

 

Cet article est une traduction de : "Inclined To Win (Ski)" disponible sur le site youcanski.com : Inclined To Win (Ski) .

Merci à Greg Gurshman de m'avoir permis de le publier ainsi qu'à Gérard Gautier et Pierre Bornat pour leur traduction originale.